Poésie : Le grand où je suis étranger
Epreuve du miroir Tant d’objets inconnus qui gisent sous la terre, S’ils espèrent la main, vision réparatrice qui saurait dire si l’état où les rencontre Sommes-t-ils et sont-nous d’une essence pareille |
Froid La gelée blanche ne disparaît plus dans la journée, on ne peut distinguer la crête et la base des mottes ; sur les hautes herbes le givre persiste déjà avant que ne s’en argentent les feuilles des arbustes. A la première douceur c’est la neige qui viendra recouvrir la campagne d’une grâce virginale, redonner au paysage son premier petit jour où auront disparu toutes traces de salissures. Un flot de paroles dites devant pareil tableau abîmerait la pureté du froid qui y préside, nous serions nous-mêmes toujours nettement sous zéro à l’épaisse buée près qui sortirait de nos bouches. L’herbe est jaune près des murs aux endroits mieux exposés ; les champs de jeune colza passent l’hiver sans dommage. A faire corps ici avec l’air de tous mes poumons j’ai au cœur mes amis privés ailleurs de cette chance. Qu’est-ce qui existe hormis ce que l’on peut partager ? Toute main tendue ne peut-elle être trouvée suspecte ? On pense bonté mais on est pris en mauvaise part, comme si ne suffisait pas la difficulté d’être. |
Aussi Tu trouves sur la chaussée ta merlette familière Dans l’herbe peu foulée, sur le bas-côté de la route La mésange visiteuse de son cri interpelle, L’auxiliaire que tu vois sortir luisant de cette terre, Passereaux, escargot, lombric, ont-ils quelque aptitude Le vaste est pourtant dans l’infime, autant que l’inverse, |
Hantise Une allée fraîche fleure bon l’ombre et le résineux, |
Au taureau 9954 (n° de boucle) Montagne de sensibilité et non poids de viande, colosse calme voué à couler des jours heureux, de toute l’invraisemblable douceur herculéenne affleurant dans tes gestes, ton regard et ta lenteur, tu rends évident à tous le peu à quoi tu aspires, si juste nous te laissions le transmettre jusqu’au bout : faire corps avec le jour qui donne sa transparence à l’entière communauté du vivant, à nous tous. Besoin d’aucune course éperdue pour vivre l’intense, de nulle précipitation pour oublier Chronos ; le bonheur est pour toi une chose infiniment simple, tu sais en limiter l’aire dans l’espace et le temps. Source de nos malheurs est d’en désirer davantage, nous vouloir au-dessus de la nature, de ses lois ; je crois cette dernière humaine, car elle est leçon à nous donnée à la fin de nous aider à survivre, à ne guère nous éloigner d’elle et la respecter pour une venue sur terre en tous points harmonieuse. La voie royale où des frénétiques se précipitent, ainsi considérée sans raison, est-elle un chemin ? |